Même si les signes de reconnaissance ont été nombreux, le nom de Charles Racine est resté dans l’ombre durant les années 1980/1990. Il faudra attendre 1998, trois ans après la disparition du poète, pour la parution de "Ciel étonné" (Éditions Fourbis), avec les préfaces de Jacques Dupin et de Martine Broda. Puis récemment, de 2013 à 2017, la publication des trois volumes des œuvres (presque) complètes aux éditions Grèges, avec les préfaces de Yves Peyré et de Jean Daive. Toute la vie de Charles Racine sera une vie d’exil entre Zurich et Paris. Ses liens à Paris avec les poètes seront nombreux : Yves Bonnefoy et André du Bouchet le publieront dans la revue L’Éphémère (1967), André Dalmas dans Le Nouveau Commerce, Claude Esteban dans Argile et Michel Deguy dans Po&sie. Jacques Dupin l’introduira dans sa collection chez Maeght avec la publication en 1975 du recueil "Le Sujet est la clairière de son corps" (illustré par des gravures d’Eduardo Chillida).
Lorsque je viens
les cailloux craquent
sous mon pas
mes mains cherchent
ton endroit sur la pierre
ami où es-tu ami sous la pierre
le silence des fleurs blanches est-ce ta voix
le murmure de la feuille ta joie de me voir
est-ce la plume qui court
sur les ombres les feuilles couchées dans les fleurs
les mots que tu laisses
le souffle chaud qui s'appuie à mes jambes
est-ce la caresse d'une vie
les larmes qui baignent la fleur
est-ce l'ivresse de ces lieux
est-ce le long de ta mort
que s'incline ton ami
(1953)
Charles Racine, extrait de « Le Sujet est la clairière de son corps », in Légende Posthume, Éditions Grèges, 2013.
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je suis un livre
ouvert à la lecture
poursuivie et pourchassée inhumée
filet de vie qu’affirme le passage de la grille
de vie qui s’élit
sur le parcours infirme
au fil des pierres tombales
(1964)
Charles Racine, extrait de Légende posthume, Éditions Grèges, 2013.
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Sans cause je travaille — une rivière tranquille et subitement
la houle qui la grossit, emportant la vie et ses papiers de la berge,
prière auprès de la voirie toute-puissante —
quand la tristesse m'accable je traduis Hölderlin,
quand le sang émet sa fatigue, je traduis.
Pilotis, piquets, forêt de lances vers le ciel,
affirmations surgissant du sujet de la syncope.
Rien n'est moins lointain du voyage à travers lequel j'entrepris de me quitter.
(1966/67)
Charles Racine, extrait de « Ce qu'a tramé le pas », in Y a-t-il lieu d’écrire ?, Éditions Grèges, 2015.
Conçu sous forme de triptyque, "Charles Racine : Dans la nuit du papier" rassemble tous les textes publiés dans les numéros annuels des Carnets d’Eucharis des éditions 2016 et 2017, augmenté en 2018 de documents inédits, dont un long et passionnant entretien que Gudrun Racine (l’épouse du poète, dépositaire des Archives Charles Racine à Zurich) a bien voulu accorder à Alain Fabre-Catalan et qui, placé sous le signe de « À la rencontre de Charles Racine », est un document de toute importance, à dessein de nous éclairer autant sur la vie que sur l’œuvre de Charles Racine.
Des textes, des poèmes, des lettres, des notes, des manuscrits, des entretiens et des témoignages ont aidé à la réalisation de cet ouvrage exceptionnel diffusé en France et en Suisse. Cette édition spéciale "Charles Racine : Dans la nuit du papier" constitue la première monographie consacrée au poète suisse et a été publiée en décembre 2018 avec le soutien de la Fondation Jan Michalski par la revue "Les Carnets d'Eucharis" que dirige Nathalie Riera.
Je m’éveillerai de la mort
c’est certain ! Je traverserai
les lignes, les courbes de ma texture
les enjambant toutes, je serai libre de tout opprobre
je serai la route et le vaisseau
je serai l’eau voyante, l’eau voyant ceux qui existent
Je n’irai pas portant mon sac vide de pain
(1975)
Charles Racine, extrait de « Il faut avoir traversé l’écriture », in Poésie ne peut finir, Éditions Grèges, 2017.