« Contre mes pas obscurs se hissait l’épaule d’un dieu mort, j’arrivai au dernier port, l’ange qui se hâtait me quitta, et j’ai marché, légère, car marcher maintenant m’éclairait. » Nous marchons ici sur les pas de Béatrice Douvre vers ces contrées où...
Jusque dans son inachèvement, la prose incandescente d’Ingeborg Bachmann arpente la terre dévastée de l’après-guerre où cette vérité qu’elle voulait arracher comme « une confession à la chair », la vérité du temps en sursis ne cesse de brûler dans les...
En hommage à Georg Trakl et à l'occasion du centenaire de sa disparition en novembre 1914, vient de paraître chez Recours au Poème éditeurs un essai accompagné d'une traduction nouvelle des poèmes majeurs du poète autrichien. Ce livre numérique qui peut...
La parole de Paul Celan ose défier le silence des disparus pour y substituer une juste parole, celle qui se façonne à leur écoute, à l'écoute de ceux qui n'ont pu ni répondre ni interroger, ceux qui appartiennent au domaine de la mort, à ce fleuve qu'il...
Comme l'écrit Ingeborg Bachmann, il n'est d'autre temps que celui du coeur et de ses impénétrables battements, entre éclat de jour et lambeaux d’obscurité, ainsi que toute "ombre" lui apparaît dès sa jeunesse "également une lumière". Habitée par la réalité...
Voix... / Stimmen... Voix , rayures gravées sur la face verte de l'eau. quand le martin-pêcheur plonge, la seconde grésille ce qui était avec toi sur chacune des rives, pénètre fauché dans une autre image. // Voix venues du chemin d'orties : viens sur...
Même si les signes de reconnaissance ont été nombreux, le nom de Charles Racine est resté dans l’ombre durant les années 1980/1990. Il faudra attendre 1998, trois ans après la disparition du poète, pour la parution de "Ciel étonné" (Éditions Fourbis),...
Charles Racine (1927-1995) est un poète suisse dont l’œuvre fut partiellement publiée de son vivant. Outre une plaquette, Sapristi, (Zürich, Hürlimann, 1963), il publia sous son nom deux livres : Buffet d’orgue (Zürich, Hürlimann, 1964) et Le Sujet est...
En ce 20 avril 2020, il y a exactement 50 ans, Paul Celan mettait fin à ses jours à Paris en se jetant dans la Seine. C’était durant la nuit du 19 au 20 avril 1970. L'année 2020, tel un pont entre deux rives, marque à la fois le 100ème anniversaire de...
Nelly Sachs et Paul Celan se sont reconnus sur le même chemin intérieur et leur correspondance qui débute en 1954 constitue le véritable lieu de leur rencontre. Malgré des approches différentes de la poésie, ils se rejoignent dans le même désespoir lucide...
Si la littérature demeure au fond la seule manière d’envisager l’avenir de toute mémoire, le titre donné au recueil "Le voyage immobile / Die regungslose Reise" vient signifier le travail souterrain de la mémoire des camps dont la culture européenne...
Prise dans les contradictions de son enracinement dans la réalité de son époque, la poésie de Trakl constitue à elle seule un monde peuplé de signes qui interrogent le destin comme élément d’un langage premier. Elle participe d’une voix unique à l’immense...
La poésie de Charles Racine fait son chemin, jetant ses éclats ici et là sous les pas de nouveaux lecteurs désireux d'accompagner celui qui partagea sa vie dans le voisinage de deux pays, entre la France et la Suisse, et de deux villes emblématiques,...
Aller à la rencontre de Pierre Reverdy, c’est rejoindre le courant « où rien n’est clair, où tout se mêle » parmi les choses de la réalité, à la recherche de ce « réel désiré qui manque », toujours et encore. L'or du temps Une main fermée sur le vent....
D’un dernier état des lieux, seule à seule contre tous, Marina Tsvétaïéva sut mesurer l’insomnie à la toise du poème devenu linceul du temps. Nourrie de telles cendres, offerte à tant de pertes, la voici qui conjugue dans la même saison de l’espoir, l’amour...
Un événement au sens de l’impossible a surgi avec Les Fleurs du Mal, il y a maintenant cent cinquante ans, dans l’horizon du langage tel que Charles Baudelaire s’en est emparé. Il a permis d’ouvrir la pensée des modernes à cet effort de traduction nécessaire...
De cette terre promise dont toute chose est issue et où tout s’en retourne, Giuseppe Ungaretti est venu témoigner, simple piéton dans la nébuleuse du temps qui a charrié sa vie, fétu de paille, brève palpitation « sous la poussée mortelle » de la vague...
Comme « un contre-chant disloqué » qui descend dans la gorge, la poésie de Jacques Dupin tourne résolument le dos au mystère salvateur de la langue. La récitation vaine du mythe nous éloigne de la peau des choses livrées à l’effondrement et à leur « foisonnante...
Exilée dans la tourmente de l’Histoire, Marina Tsvétaïéva a fait de son existence tout entière un manifeste poétique embrassant la rugueuse réalité couchée dans l’ornière du temps, traduction de l’impossible érigé en règle de vie. Une fleur est accrochée...
Des jours tragiques de l’Occupation, la voix d’Hélène Berr demeure le témoin lumineux des heures englouties dans la blessure béante du temps. Elle est cette parole désormais retrouvée, venue jusqu’à nous entre les pages de simples cahiers d’écolier remplis...
Lutteur impénitent et apôtre de la trahison, Jean Genet a su peupler sa solitude radicale héritée d’une enfance vécue dans la relégation et la marginalité, en révélant les figures enfouies du crime commis en commun. De cet attrait du Mal qui finit par...
Entraîné par « cette longue légende » qui lui apparut « peut-être » sur un chemin « englouti d’avance », Charles Racine a vécu l’aventure d’un corps en équilibre sur le fil de l’exil, tenu à ce pas au-delà « qui précipite la route hors du pas » jusqu’à...
Fidèle au temps de l’éclair, Roberto Juarroz a inauguré une évidence nouvelle, celle d’un périple poétique au long cours qui aura contribué à changer notre rapport à la réalité. De la chute promise aux êtres et aux choses, seul le poème par son pouvoir...
Depuis la Carinthie qui la vit naître en un temps voué à la tragédie, la voix brûlante de Christine Lavant, celle qui aurait aimée être juive, a traversé la part du siècle dernier qui lui revint, en dépit d’une vie de pauvreté et d’abandon constant. Menant...
Aujourd’hui disparue, Martine Broda poursuit l'interminable mystère du « grand jour » qui tremble sous l'arche du poème, à l'envers du ciel avec lequel nous vivons et dont les innombrables étoiles sont tombées, abandonnant dans nos yeux des traces de...
◊ Ce qui témoigne que quelque chose s’est écrit, s’apparente ici à la figure irrégulière du poème se donnant à lire sur le glacis du papier ou bien l’écran en son rafraîchissement permanent.
◊ C’est la trace d’une présence dès lors évanouie, hormis les mots qui tentent d’en retenir l’empreinte. Son ultime destination n’a d’autre adresse que le saisissement d’un regard dans l’entrelacement des signes.
◊ Avec ce degré de considération accordé au grain d’une voix, vous êtes dans l’instant seul à en recueillir l’écho, cette résonnance qui parle à l’oreille du lecteur.
◊ Qui habite la voix patiente de la langue pour en faire son ultime demeure a le privilège de s’affranchir du temps. Telle une parole qui se découvre, jetée sur nos pas hésitants, la clarté seule devrait suffire.
◊ Avec ce peu de chose déployé dont le vol ressemble à un passage d’ombres insaisissables, « désaccordée, comme par la neige », résonne et nous atteint « la cloche dont on sonne pour le repas du soir ».
◊ La lumière ainsi retrouve son chemin et le simple bruit d’un ruisseau nous dévisage au détour d’un mot, d’une phrase posée là, en attente sur la page.
◊ Un instant sauvegardée, cette part du monde qui semblait perdue bruisse sur nos lèvres. Est-ce le fruit de l’air qui parle à notre oreille, ce dévoilement qui donne force vive en écho à des paroles que sépare le temps ?